Surdités et acouphènes
1. Le déficit auditif concerne tous les âges
Il concerne actuellement 6% des 15-20 ans, 9% des jeunes adultes dans la tranche des 20-34 ans et 18 % dans celle des 35-44 ans. Mais 2/3 des personnes de plus de 65 ans souffrent de presbyacousie. Mais les caractéristiques de prévalence de la génération passée sont en train de se décaler vers les jeunes générations, la génération baladeur/boites de nuit.
Déjà, en France, 30 000 à 50 000 adolescents et jeunes présentent des altérations graves du système auditif. Seulement un quart des malentendants emploient une aide auditive. Aujourd’hui encore, l’image de l’aide auditive est associée à la vieillesse ce qui incite peu les malentendants à afficher leur handicap. A contrario, les enfants, sourds profonds franchissent facilement cette barrière, l’aide auditive leur ouvrant la communication au monde.
2. L’audition est notre principal moyen de communication
La surdité a une incidence très importante sur la psychologie du mal-entendant entraînant une véritable pathologie de la communication. Ainsi, on constate très vite, chez les personnes âgées qui deviennent malentendantes, une tendance au repliement sur soi, à l’isolement, entraînant un véritable désintérêt de la vie relationnelle. Pour les plus jeunes, ce sont les difficultés professionnelles qui constituent le principal handicap.
L’oreille étant aussi un sens d’alerte, le déficit peut contribuer à rendre l’individu inquiet car vulnérable. Cette défaillance impose une attention soutenue à l’environnement.
3. Les causes du déficit auditif sont multiples.
Elles peuvent être présentes à la naissance ou acquises au cours de la vie (maladies, traumatismes, sources sonores puissantes). Mais le vieillissement de l’oreille, souvent inéluctable, dégrade progressivement la qualité de la perception.
4. L’évaluation et la mesure de la baisse auditive.
L’oreille est un organe sensoriel très complexe et l’origine du déficit peut se situer à différents niveaux. C’est pourquoi une mesure précise, effectuée par un opérateur qualifié, est un préalable qui permet de faire une évaluation correcte de la perte. Cela conditionne les possibilités de traitement, de réhabilitation ou de correction.
L’arsenal des outils d’investigations progresse avec l’exploration des oto-émissions acoustiques, en particulier pour le diagnostic des surdités profondes dès la naissance. Les potentiels évoqués permettent de préciser le niveau du déficit chez l’enfant ou de vérifier le fonctionnement du nerf auditif.
L’examen principal reste l’audiométrie subjective qui permet d’évaluer la perte auditive en faisant écouter des sons au patient sur différentes
fréquences. L’audiométrie vocale, qui vérifie la reconnaissance des mots, permet quant à elle l’évaluation de la compréhension du message. Ce test est particulièrement important chez les personnes (en général âgées) présentant une presbyacousie. Des déformations du signal sonore initial entraînent des confusions entre des mots voisins (bouchon/cochon, souper/toupet, bouda/gouda etc..)
L’audiométrie se traduit par l’établissement d’un document, souvent normalisé, où les courbes retranscrivent l’ensemble des caractéristiques de l’audition de la personne. A partir de cet audiogramme, le professionnel pourra évaluer les possibilités de traitement ou de correction du déficit. Cet examen est donc capital dans la stratégie de la correction de la perte auditive. Une erreur d’interprétation de ce bilan peut avoir des conséquences dramatiques par un choix de traitement inadapté.
5. Les principales causes des pertes auditives
Les surdités de naissance constituent une catégorie spécifique qui nécessite des prises en charge lourdes après un dépistage précoce. Le vieillissement de l’oreille aboutissant à ce qu’on appelle la presbyacousie est un phénomène inéluctable dont on pourra seulement atténuer la gène par une aide auditive adaptée.
Entre ces deux pôles, on retrouve toutes les maladies de l’oreille moyenne (tympans, osselets) avec en particulier les fréquentes otites de l’enfant qui peuvent aboutir à des surdités invalidantes, mais réversibles avec un traitement adapté. Dans certains cas, des complications peuvent entraîner des atteintes persistantes. Ainsi, l’otite séreuse, fréquente chez l’enfant, nécessite la pose d’un aérateur trans-tympanique (Yo-yo, tube) pendant plusieurs mois. Chez l’adulte, on pourra retrouver des séquelles importantes d’infections chroniques avec destruction plus ou moins importante de l’oreille moyenne entraînant une surdité.
La vie moderne est un grand pourvoyeur de surdités par les traumatismes sonores auxquels elle nous expose dans nos vies professionnelles ( bruits d’usines, fréquences de résonance des machines tournantes), personnelles (baladeurs, discothèques, bricolage) ou en cas d’évènements ponctuels (explosions, bruits stridents). Les fractures du crane (accidents de voiture ou de sports à risque) peuvent également entraîner
des surdités définitives.
6. Les traitements
La découverte d’un déficit auditif conduira le médecin à envisager un traitement adapté. Les maladies de l’oreille moyenne, en particulier les otites, feront appel à des traitements médicaux. Pour certaines pathologies, la chirurgie sera nécessaire et pourra apporter une amélioration conséquente du déficit, voire ramener une audition tout à fait normale.
Dans le cas d’une atteinte de l’oreille interne (nerf) ; on ne pourra que proposer des systèmes électroniques de compensation : aides auditives pour la presbyacousie, implants cochléaires pour les surdités profondes.
7. Les acouphènes
On classe les acouphènes en deux catégories: les acouphènes objectifs qui sont des perceptions auditives anormales d’un bruit réel, interneau
corps les acouphènes subjectifs qui sont des sensations auditives perçues en l’absence de toute stimulation sonore. Statistiquement , 95% des acouphènes sont subjectifs.
La majorité des acouphènes objectifs a une origine vasculaire. Ils sont souvent pulsatiles : Ce sont des bruits réels liés au passage du sang dans les vaisseaux. Ils suivent le rythme cardiaque, en même temps que le pouls. Ce bruit a une tonalité de souffle régulier. Il est souvent majoré par l’augmentation de l’activité physique ou certaines positions de la tête. Les acouphènes objectifs sont parfois détectables au stéthoscope par le médecin et peuvent être traités dans certains cas.
En ce qui concerne les acouphènes subjectifs, l’origine la plus fréquente est la cochlée ou oreille interne. Mais elle peut se situer à n’importe quel niveau des voies auditives, depuis la cochlée jusqu’au cerveau. Ceux-ci sont en général décrits comme des sifflements aigus, un sifflet, un grillon ou un bruit de cigales. Ils sont souvent permanents et variables en intensité selon l’état psychologique.
Le stress, l’anxiété, la fatigue, l’énervement ou encore des bruits environnants importants augmentent souvent l’intensité des acouphènes. Au contraire, une situation plus calme, détendue, non stressante, atténuera l’acouphène. De même, une activité cérébrale agréable et prenante diminuera considérablement leur perception.
Les acouphènes subjectifs liés à l’atteinte de l’oreille interne représentent 80% des acouphènes pour lesquels les patients consultent. Ces acouphènes sont très souvent de tonalités aiguës à type de sifflement continu. La fréquence la plus souvent présente est le 4000 Hz. Cependant la tonalité peut être différente, des graves aux aigus. On peut également observer des acouphènes multi-fréquenciels à type de souffle. La caractéristique de ces acouphènes de l’oreille interne est qu’ils sont en général permanents. Dans certains cas d’affections aiguës, ceux-ci peuvent cependant être transitoires. La perception permanente de ce bruit anormal, ressentie, soit comme un bruit venant de l’extérieur, soit comme un bruit interne (sifflement dans la tête), est souvent mal acceptée. Le patient cherche désespérément le moyen d’arrêter ce bruit parasite qui l’obsède jour et nuit.
Différentes lésions ou dysfonctionnements de l’oreille interne peuvent être responsables des acouphènes. Malgré tout, il existe quasiment toujours un déficit auditif de perception associé. Il s’agit principalement de baisses de perception sur les fréquences aiguës. Ainsi, on peut considérer dans une certaine mesure que l’acouphène existe du fait de la baisse auditive.
8. Les traitements des acouphènes
La grande difficulté du traitement des acouphènes est que les patients considèrent leur trouble comme purement organique, relevant de traitements médicamenteux ou chirurgicaux. Le patient acouphéniques veut être débarrassé de ce bruit intempestif qui l’ennuie continuellement, et considère de façon très négative l’idée d’avoir à supporter ce bruit parasite toute sa vie.
Les possibilités de traitement des acouphènes subjectifs sont complexes du fait de la nature même des acouphènes. Si l’acouphène a son origine dans des insuffisances ou perturbations circulatoires au niveau du labyrinthe et en particulier de la cochlée, les médicaments vaso-régulateurs pourront être efficaces, en particulier pour les acouphènes récents. Dans certaines cas, certains tranquillisants peuvent avoir un effet bénéfique sur la perception de l’acouphène.
Ces traitements permettent de rompre le cercle vicieux qui s’installe : acouphènes –> angoisse-> insomnie-> fatigue -> acouphènes.
Compte tenu de la contribution majeure des fonctions cognitives supérieures à la perception de l’acouphène, les traitements qui favorisent la mise en place des mécanismes cérébraux d’habituation sont de plus en plus proposés.
En thérapie des acouphènes, « habituation » ne signifie pas que l’on s’habitue, au sens de « s’accommoder de », ou « s’habituer à », voire « se résoudre à ». L’habituation est un phénomène naturel qui implique des réseaux de neurones et permet de modifier les réponses apprises aux stimulations sensorielles et les émotions qu’ils induisent grâce à l’apprentissage.
Les pratiques expérimentales de psychologie qui amènent progressivement le cerveau à ces habituations relèvent d’une discipline plus générale appelée Thérapie Cognitive Comportementale (T.C.C.).
Cette discipline se fixe comme objectifs :
• La modification directe des comportements et des pensées;
• La modification des conditions de déclenchement;
• La modification des comportements;
Par ailleurs, les phénomènes d’habituation peuvent être mis en place par un stimulus extérieur. les traitements basés sur les masqueurs d’acouphènes utilisent cette voie d’action. La T.C.C. a également pour but d’amener le patient à objectiver son acouphène et la gêne qu’il occasionne par rapport au reste de sa vie, dans d’autres registres de l’existence.
Dans une T.C.C, le sujet est véritablement acteur dans l’élaboration des stratégies alternatives qu’il met en place avec le praticien. Le questionnement de celui-ci permet d’amener le patient à prendre conscience de son acouphène et des comportements que cela induit chez lui, à l’évaluer objectivement par rapport à d’autres gênes, à définir les caractéristiques d’un mieux être et à élaborer des procédures d’adaptation voire de substitution pour atteindre l’objectif fixé.
D’une part, cette contribution volontaire et engagée du patient est un aspect important pour la réussite de la thérapie, d’autre part, son bénéfice premier est que le patient sort d’une relation subie avec son acouphène.
L’objectif final est donc que le patient puisse gérer sa perception et en minimiser les conséquences, voire l’éliminer dans la majeure partie des circonstances. Cette modification de la cognition peut prendre plusieurs mois.
Force est de constater cependant que les personnes âgées, qui constituent près d’un tiers des patients, auront beaucoup de mal à s’astreindre au suivi nécessaire, voire aux séances de groupe que la thérapie préconise. Par ailleurs, ces traitements long et coûteux ne sont pas toujours reconnus. De ce fait, ils ne sont pas assez pris en charge par les organismes sociaux.
9. Les aides auditives
L’explosion de techniques électroniques et de traitement du signal bouleverse le paysage classique de l’aide auditive, dominée par l’image du Sonotone, amplificateur analogique basique de nos grands-pères. Les audioprothésistes d’aujourd’hui doivent mettre en œuvre des aides d’une extraordinaire complexité, qui nécessitent l’utilisation d’un ordinateur de programmation et de réglage. Patients, médecins, audioprothésistes, personnes au contact des malades sont loin d’avoir mesuré tout l’intérêt que ces techniques peuvent avoir pour permettre une meilleure audition. Et la course permanente entre les majors pour implanter de nouveaux algorithmes issus directement de la recherche universitaire, repoussent les limites des aides auditives et rendent le suivi encore plus délicat.
Mais à l’évidence, la nouvelle frontière de l’aide auditive se situe au niveau des centres nerveux auditifs, dans la façon dont les différentes parties du cerveau concourent à la reconnaissance des différents messages sonores transmis par la cochlée. L’audition est un sens qui naît
de l’apprentissage et nécessite un entretien permanent. Les prothèses cochléaires implantées chez des jeunes enfants démontrent que cet apprentissage peut se faire même lorsque les signaux transmis au cerveau sont très différents du signal naturel. C’est le cerveau qui se structure pour élaborer une reconnaissance adaptée.
L’amélioration des connaissances en neurologie – par exemple dans le domaine de la reconnaissance des phonèmes – permettra d’adapter le traitement du signal aux capacités restantes de l’oreille en prenant en compte, voire en stimulant la capacité d’adaptation du cerveau. Elle permettra ainsi de compenser de nouveaux déficits auditifs, en particulier les recrutements importants. Mais la qualité d’écoute sera encore loin du son parfait de l’écoute musicale d’une oreille intacte.
10. La prise en charge et la prévention
Dans l’ensemble des pays industrialisés, des organisations d’aide et d’assistance aux malentendants sont organisées, en particulier pour l’intégration des jeunes sourds dans le monde du travail, et la prise en charge des soins. Le langage des signes, qui divise souvent les associations, reste toujours controversé. Il isole de ceux qui ne le pratiquent mais permet de mettre en relation ceux qui le pratiquent.
La prise de conscience du caractère irréversible des dégradations de l’audition et des conséquences de celles ci, tant en termes de
coûts sociaux ou médicaux, qu’en termes de limitations professionnelles qu’elles impliquent, imposent la mise en place d’une politique de prévention et de protection des individus. Elle impose aussi la mise en place d’une législation sur le bruit assortie d’un arsenal de sanctions, tant pour les individus que pour les entreprises. Dans tous les pays, ces lois sur le bruit se mettent progressivement en place, accompagnées d’un arsenal de mesures.