La multiplication des végétaux
On peut dire que toute culture a pour point de départ une opération de multiplication semis, bouturage, marcottage, greffage, etc… Nous en exposerons donc les données, en insistant sur les soins qui sont indispensables.
Semis et repiquages
La graine est le moyen normal de multiplication des végétaux supé- rieurs. Elle constitue déjà un embryon de végétal, en vie très ralentie. Elle est parfois susceptible de se conserver ainsi des dizaines ou des centaines d’années. Il est aussi des graines qui ne se conservent qu’un an ou deux, comme par exemple celles des salsifis.
Les graines mises au contact de l’humidité et de la chaleur germent. plus ou moins vite. Le Cresson alénois lève en 24 heures, tandis que le Persil attend trois semaines et plus.
Au-dessous d’une certaine température, les graines ne germent pas, ou donnent des plants chlorotiques. les Navets, les Choux, les Carottes, peuvent germer à partir de 6 à 8 degrés. Les plantes originaires des régions chaudes comme les Haricots, les Courges, exigent 12 à 15 degrés. Il ne faut donc pas semer ces graines trop tôt au printemps : dans la région parisienne, c’est seulement à partir du 1er mai que l’on peut espérer une température suffisante pour ces graines, alors que les carottes se sèment à partir de février en pleine terre.
Un autre accident guette les semis précoces, ce sont les hâles ou alternatives de temps secs et humides. Les jardiniers ont cherché à éviter ces périodes défavorables en observant les phases de la lune, sans aucun succès d’ailleurs, tout au moins pour l’ensemble de notre territoire..
Un bon moyen de combattre les effets nuisibles des hâles consiste à recouvrir les terres ensemencées de paillassons, vieux sacs, papiers, feuilles en plastique, etc… afin que la surface reste humide. Bien entendu, il faut enlever cette couverture dès la sortie des plantules.
Le sol destiné à être ensemencé doit être bien ameubli, surtout s’il s’agit de graines fines. Plus les graines sont fines, moins on les enterre. Cette dernière opération s’effectue au râteau, manié avec légèreté. On peut aussi répandre du terreau ou de la terre fine en couche mince, afin de recouvrir les graines.
Après exécution d’un semis, on a souvent avantage à tasser légère- ment la surface du sol avec une pelle ou une planche: c’est le plom- bage, qui permet aux particules superficielles de recevoir l’humidité du fond et rend l’érosion par la pluie moins sensible.
La graine possède des réserves. De plus, les jeunes plantules sont fragiles. Pour ces raisons, il ne faut pas abuser des engrais au moment du semis. Mieux vaut les enterrer au bêchage, ou les appliquer plus tard entre les rangées sur des plantes bien enracinées.
Tomate pas assez enterrée. Tomate bien plantée. Poireau bien planté. Chicorée trop enterrée Salades bien plantées, flottantes.
On sème souvent trop épais, ce qui gêne les éclaircissages, et n’empêche d’ailleurs pas les vides occasionnés par les parasites. Nous conseillons de semer modérément et au besoin de mélanger la graine avec un insecticide en poudre (1) ce qui assure une levée bien plus régulière.
Les Choux, les Salades, les Poireaux, et diverses fleurs, se sèment sur un espace restreint appelé pépinière. On obtient ainsi des plants que l’on met ultérieurement en place. Cette pratique évite d’occuper trop longtemps les planches du potager, où l’herbe deviendrait gênante. Les corbeilles de fleurs peuvent être garnies de pieds prêts à fleurir.
On choisira pour établir la pépinière un coin de terrain enrichi en terreau, bien exposé, et que l’on arrosera régulièrement.
La production des plants peut aussi se faire sous châssis, ce qui augmente la précocité. On peut encore semer dans des caisses plates ou des terrines que l’on garde en serre ou à la maison, à l’abri du froid. Voir Cultures sous abri.
Les semis lèvent généralement trop dru: il importe de les << éclair- cir » le plus tôt possible, avant que les plants trop voisins ne se gênent. Le « repiquage » ou mise en place des plants obtenus en pépinière, s’effectue à racines nues, ou avec une motte de terre. Par exemple, la salade et les poireaux se transplantent bien à racines nues, mais la tomate fatigue et se fane si on ne lui conserve pas une motte.
Pour le repiquage à racines nues, on utilise une tige pointue ou plan- toir qui sert d’abord à forer un trou, puis à comprimer fortement la terre autour du plant : c’est le bornage qui facilite beaucoup la reprise.
Pour la transplantation en motte, on utilise une petite pelle à main ou transplantoir.
Afin de faciliter le repiquage des Poireaux, Oignons, etc…, on peut raccourcir les racines au couteau: c’est l’habillage. On le pratique aussi sur les feuilles des salades, afin de limiter l’évaporation.
Lors du repiquage, la racine des salades doit arriver jusqu’au niveau du sol. Au contraire, on peut avantageusement enterrer les tiges des choux, tomates, poireaux, de plusieurs centimètres.
Bien entendu, le repiquage sera suivi d’arrosages fréquents s’il fait sec. Parfois même, on bâtira des abris improvisés contre le soleil : branchages, papiers, claies.
Les plants à reprise difficile : Aubergines, Concombres, Tétragone, Melon, Fleurs diverses, seront élevés dans des petits pots ou << godets >> ce qui leur évitera tout arrêt de végétation.
Les jeunes semis craignent de nombreux ennemis, insectes ou cryp- togames. Aussi procède-t-on souvent à une désinfection préalable du sol.
Les limaces sont combattues de la manière habituelle avec de l’appât empoisonné.
La « fonte » et le flétrissement des jeunes semis sont dus à des champignons que l’on combat préventivement en saupoudrant un produit cuprique ou en pulvérisant de l’Hélione.
Multiplication par fractionnement
Certaines plantes sont caractérisées par le fait que leurs racines ne se réunissent pas en un seul pivot. Bien au contraire, les racines naissent en différents points de tiges souterraines ou rampantes formant une touffe.
C’est le cas de beaucoup de plantes vivaces: Aster, Chrysanthème, Canna, Estragon, etc…
Il est alors très facile de partager la touffe en deux ou plusieurs parties, qui deviennent autant de plantes différentes. Parfois même, une seule petite tige portant quelques racines, forme un plant utilisable. Il existe aussi des plantes comme le Bégonia tubéreux, le Dahlia, les Iris, que l’on peut multiplier par fractionnement des bulbes ou des rhizomes. En général, il est nécessaire que chaque fragment comprenne un bourgeon et une fraction de racine.
Multiplication par bulbes et caieux
Beaucoup de plantes bulbeuses ont le pouvoir de produire, autour du bulbe principal, d’autres petits bulbes utilisables pour la multiplication: Tulipes, Glaïeuls, Narcisses, etc…
Parfois, de très petits bulbes ou bulbilles un peu semblables à des graines, apparaissent à l’aisselle des feuilles (Bégonia) ou même à la place des fleurs (Agave).
Bouturage
Le bouturage consiste à utiliser des fragments de tige dont une extrémité, enfoncée en terre, produit des racines. La bouture sera parfois constituée par un fragment de pousse en végétation. On multiplie ainsi les plantes formant assez vite des racines: Bégonias, Géraniums, et beaucoup de plantes à massifs.
On est souvent amené à faciliter l’enracinement en chauffant légè- rement le sol où sont plantées les boutures, à l’aide d’une couche de fumier par exemple. Afin de limiter l’évaporation, on est amené à « habiller » ces bou- tures herbacées, c’est-à-dire à supprimer une partie des feuilles.
Certaines plantes se bouturent mieux avec des rameaux plus âgés, raffermis, et contenant des réserves, par exemple les Rosiers et beau- coup d’arbustes: Groseilliers, Seringat, Fusains, Troènes, etc…
Ce genre de bouturage se pratique souvent en automne, au début d’octobre. Les boutures sont plantées en pleine terre, parfois sous cloche, et restent en sommeil apparent jusqu’au printemps. Mais entre temps l’extrémité inférieure produit un bourrelet, puis des racines. On donnera aux boutures une dimension raisonnable : les boutures herbacées auront la hauteur de 2 ou 3 entre-noeuds. Les boutures de rameaux auront 12 à 15 centimètres et seront enterrées de 10 centi- mètres, les deux ou trois yeux supérieurs émergeant du sol.
Les boutures de Lierre, Vigne vierge, et autres plantes grimpantes seront longues de 15 à 20 centimètres.
Les Saules et les Peupliers peuvent être bouturés plus longuement encore, et même en utilisant des branches de 1 à 2 mètres simplement fichées en terre.
On coupe généralement les boutures au-dessous d’un noeud, car ce point est favorable à l’émission des racines.
Afin de favoriser l’émission des racines, on plonge les boutures dans une solution hormonique.
Il existe en matière de bouturage de nombreux cas spéciaux. Par exemple, les boutures possédant un talon ou un fragment de bois plus âgé facilitent la reprise : Vigne, Groseillier.
La Vigne peut aussi être bouturée à l’aide d’un fragment de tige portant un seul ceil, que l’on enterre légèrement en terre réchauffée artificiellement à 40 degrés. Certaines boutures peuvent être formées d’un morceau de racine: Ailante, Prunus, Paulownia, Bignonia, Framboisier, etc.
Les tiges souterraines ou rhizomes, lorsqu’elles existent, forment d’excellentes bou- tures, Iris, Bambous, Canna, Hypericum, et beaucoup de plantes vivaces.
Les écailles de Lis et de divers bulbes forment également des boutures. Signalons encore que les feuilles de certains Bégonias appliquées sur le sol peuvent produire des bourgeons sur leurs nervures, puis des racines.
Marcottage
Il est des plantes qui se reproduisent mal par bouture, mais dont les tiges non encore détachées, peuvent donner des racines au contact de la terre humide, de la mousse, etc…
On réalise ainsi une marcotte que l’on détache de la plante-mère après enracinement.
Le marcottage se réalise de diverses façons on peut former une butte de terre autour d’un arbuste ramifié, parfois spécialement cultivé pour cette opération Groseillier, Cognassier, Noisetier, etc…
On peut encore recourber une tige et l’obliger à pénétrer dans le sol (Figuier, Groseillier à maquereau).
Les plantes grimpantes peuvent même donner ainsi des séries de marcottes ou serpenteaux..
Lorsque la tige ne peut être inclinée jusqu’à terre, on l’entoure d’un pot à fleurs cassé en deux ou de tout autre récipient rempli de terre humide ou de mousse. Des incisions pratiquées sur l’écorce favorisent la sortie des racines. On peut aussi procéder à un sevrage progressif, c’est-à-dire couper, partiellement d’abord, la tige qui relie la marcotte à la plante-mère.
Greffage
Tout amateur de jardins doit savoir greffer. La greffe est, en effet, bien souvent, le seul moyen de reproduire les variétés d’arbres et arbustes, ou d’améliorer une plantation existante.
L’apprentissage est d’ailleurs facile. En suivant les données ci-des- sous, le débutant sera étonné des résultats.
Greffe en fente
Cette opération se pratique généralement au début d’avril, quelquefois aussi en septembre.
Les sujets à greffer de cette façon doivent être rabattus à l’avance. Ce sont surtout des Pommiers, des Poiriers, des Pruniers, arbres à hautes tiges qu’il s’agit d’enter en variétés à couteau.
Ces greffes doivent se faire par un temps doux, en utilisant comme greffons les rameaux détachés des pieds-mères en décembre.
Les greffes pratiquées avec des greffons verts ne réussissent jamais. Il faut employer des greffons dits par les praticiens << stratifiés », c’est-à- dire coupés au moment de la taille, mis en botte et à demi-enterrés verticalement dans du sable.
Dans la greffe en fente simple, le greffon ne comprend que deux yeux et sa base est préparée en double biseau un peu allongé. Le biseau commence au niveau de l’œil inférieur
Le sujet est tronqué suivant un plan incliné en lui réservant une surface plane au sommet. Les coupes sont rafraîchies au greffoir, puis il est fendu avec soin à la serpette, en imprimant à la lame un mouve- ment de bascule.
Le greffon est alors inoculé par sa base, en faisant coïncider les écorces du sujet et du greffon..
C’est sur la zone séparative du bois et de l’écorce que doit s’opérer la coïncidence et non sur la face extérieure de l’écorce. La greffe est ensuite ligaturée au raphia et soigneusement engluée au mastic diaphane.
Greffe en couronne
Elle se pratique quand le sujet est en sève, car il faut pouvoir décoller son écorce. On opère fin avril début de mai avec des greffons stratifiés. Le sujet est coupé horizontalement, puis à l’aide du greffoir on fend l’écorce verticalement et on décolle le côté gauche.
Sous cette écorce, on introduit le greffon qui peut être taillé en simple biseau. Toutefois, du côté où le greffon appuie sur la fente de l’écorce du sujet, il est bon de lui enlever une très petite esquille qui améliore la coïncidence sans toutefois entamer le bois du greffon.
Selon la force du sujet, on peut sur son pourtour disposer ainsi 1, 2 ou 3 greffons, mais il faut faire en sorte que l’écorce du sujet ne soit pas soulevée complètement et circulairement par suite de la pose trop rapprochée des greffons.
On donne à ceux-ci les mêmes soins que pour ceux de la greffe en fente, c’est-à-dire : ligature et engluement. Par la suite, sur chaque arbre ainsi greffé, il n’est souvent laissé qu’une seule greffe, la mieux placée. Plusieurs greffes donneraient, en effet, un mauvais équilibre des branches.
Les greffes supprimées auront tout de même eu un effet utile en activant la cicatrisation du sujet.
Le Mastic diaphane a été spécialement étudié pour l’exécution de ces greffes. Sa cou- leur claire le rend insensible aux rayons du soleil. En outre, il adhère suffisamment long- temps pour permettre une cicatrisation complète de la plaie (plusieurs années).
Si le mastic tombait prématurément, il faudrait, en effet, le remplacer, sans quoi il y aurait inévitablement infection de la plaie et mauvaise cicatrisation. On s’exposerait alors à voir par la suite les branches chargées de fruits se décoller au niveau de la greffe.
Regreffage des vieux arbres
C’est une opération qui se pratique de plus en plus, notamment sur les Pommiers à cidre que l’on transforme ainsi en Pommiers à couteau. On coupe toutes les branches de l’arbre à un niveau où leur dia- mètre est de 5 centimètres environ et, sur chaque moignon, on greffe en fente ou en couronne comme ci-dessus. L’arbre est plus vite reformé si l’on greffe sur des coupes de plus petit diamètre, mais il faut alors poser davantage de greffes (50 à 80 pour un gros Pommier). La production commence quatre ans plus tard.
Greffage des boutons à fruits
Ce greffage a pour objet de poser sur des poiriers vigoureux et peu fertiles des bou- tons à fruits détachés sur des sujets de choix, naturellement fertiles et sains. Dans ce gref- fage, les greffons peuvent être des boutons à fruits ou lambourdes terminant des brindilles ou des dards.
Dans le premier cas, on les prépare à la manière des greffons de la greffe en couronne, en simple biseau allongé, et on les inocule par la greffe de côté sous l’écorce; dans le second, ils le sont comme des écussons, mais boisés et inoculés par une incision cruciale.
Les feuilles de ces greffons sont, naturellement, supprimées. On ne conserve que leurs pétioles. Après la pose, ils sont ligaturés et englués avec du Mastic diaphane. Les fruits produits par les lambourdes ainsi transportées, sont généralement plus beaux et plus volu- mineux que s’ils étaient naturellement développés sur l’arbre qui les a fournis. Le greffage de boutons à fruits se pratique vers la fin d’août.
Greffe en écusson
Ce mode de greffage s’applique aux arbres fruitiers, aux Rosiers, et à la plupart des végétaux. L’écusson est un ceil détaché d’une tige avec une certaine surface d’écorce et très peu de bois. On doit le pratiquer à une époque où l’écorce se sépare facilement du bois, généralement entre juin et septembre. On dit alors que la plante est en sève. La sève s’arrête plus ou moins tôt selon les espèces et les conditions locales.
Un écusson posé en juin poussera durant l’été, c’est la greffe à œil poussant. Posé en septembre, il ne poussera qu’au printemps suivant : c’est la greffe à ceil dormant.
Préparation de l’écusson
Choisir de préférence les yeux vers le milieu d’un rameau, là où ils ne sont ni trop petits, ni trop jeunes. Couper le pédoncule des feuilles à 1 centimètre de la base. Faire pénétrer la lame du greffoir dans l’écorce à 8 millimètres au-dessus de l’oeil, puis la faire glisser sous l’œil de manière à détacher un lambeau d’écorce de 5 millimètres de large en moyenne. Continuer à faire progresser la lame de façon que l’écus- son terminé ait environ 2 centimètres de long.
La coupe d’un écusson réussi ne présente que peu de bois. En cas d’excès, on peut en retirer une partie, en évitant de vider l’œil. Ce résultat est plus ou moins facile à atteindre selon les plantes et selon la saison.
Pose de l’écusson
On pratique sur le sujet deux incisions dessinant un T. On décolle les lèvres de l’incision verticale avec une lame de préférence non métallique, puis on introduit l’écusson comme indiqué sur les figures. Il ne reste plus qu’à ligaturer avec du coton ou du raphia humide. Il est généralement inutile de mastiquer.
Au bout de huit jours, le pédoncule de la feuille jaunit et tombe, ce qui est un signe de réussite.
Les écussons une fois soudés ne pousseront que si on coupe la partie supérieure de la tige à 2 ou 3 cm au-dessus de la greffe. Pour la greffe à ceil poussant, on effectue cette coupe dix jours après gref- fage. Pour la greffe à ceil dormant, attendre la fin de l’automne.
On pourra s’exercer à écussonner sur des Rosiers ou des Pêchers.
Soins à donner aux greffes
Ne pas laisser de gourmands se développer au voisinage des greffes les retirer dès apparition.
Lutter éventuellement contre les coupe-bourgeons et autres para- sites par pulvérisations ou poudrages.
Tuteurer les greffes que le vent risque de décoller.
Couper les ligatures des greffes avant qu’elles ne produisent un étranglement des tiges.
Variantes
L’amateur qui sait déjà greffer comme ci-dessus pourra essayer une des nombreuses variantes représentées par les figures.