Le concours d’aviron à la française
Vraiment excellente !
Les chroniques racontent qu’en 1994 eut lieu un concours d’aviron entre les rameurs de l’ENA et ceux d’une modeste université de province. Les rameurs de l’université brillèrent dès le départ et arrivèrent avec une heure d’avance sur l’équipe énarque. De retour dans les locaux de l’ENA, le Comité de Consultation se réunit pour analyser les raisons d’un résultat imprévu et déconcertant. Ses conclusions furent les suivantes :
1. L’équipe universitaire était formée d’un chef d’équipe et de 10 rameurs.
2. L’équipe de l’ENA était, elle, constituée d’un rameur et de 10 chefs d’équipe.
Ces conclusions furent portées devant la Sphère de Planification Stratégique en vue d’une décision pour l’année suivante avec pour cortège une réforme dont les répercussions se feraient sentir à tous les niveaux de la délégation.
En 1995, dès le départ du concours, l’équipe universitaire prenait à nouveau une fulgurante avance et, cette fois-là, l’équipe énarque arrivait avec deux heures de retard sur sa compétitrice. La nouvelle analyse du Comité de Consultation fit par des constatations suivantes :
1. Dans l’équipe universitaire, il y avait un chef d’équipe et 10 rameurs.
2. Conformément aux réformes décidées par le Comité de Consultation et approuvées par la Sphère de Planification Stratégique, l’équipe de l’ENA comprenait :
– un chef d’équipe
– deux assistants de chef d’équipe
– sept chefs de section
– un rameur
La conclusion du Comité de Consultation fut rapide et lapidaire : « Ce rameur n’est qu’un bon à rien « .
En 1996 se présentait une nouvelle opportunité pour l’équipe énarque. En effet, le Département du Haut Management de l’ENA, en collaboration avec le Département de Recherche sur les Ressources Humaines de cette vénérable école, avait mis au point une stratégie novatrice devant améliorer sans aucun doute possible le rendement et la productivité grâce à l’introduction de substantielles modifications de structures. C’était là la clef de voûte du succès, l’aboutissement d’une méthodologie propre à faire pâlir d’envie même les meilleurs managers au monde… Le résultat fut catastrophique, l’équipe universitaire ayant pris cette fois-là trois heures d’avance sur l’équipe ENA. Les conclusions du Comité de Consultation ne se firent pas attendre:
1. Dans un évident but de déstabilisation spéculative, l’équipe universitaire avait opté pour une formation traditionnelle, à savoir un chef d’équipe et 10 rameurs.
2. L’équipe énarque avait introduit une formation avant-gardiste :
– un chef d’équipe
– deux Consultants Qualité
– un Auditeur en Empowerment
– un Superviseur de sizing
– un Analyste de Procédures
– un Technologue
– un rôleur
– un Chef de Section
– un Technicien Chronomètre
– un rameur
Après plusieurs jours d’épuisantes réunions et autant de séances de brainstorming, le Comité de Consultation décida de punir le rameur en lui supprimant ses bourses d’études et en le radiant de l’école dont la Grandeur et la Réputation risquaient de se voir ternies par une telle incompétence. Lors de la réunion de clôture, le Comité de Consultation, appuyé par le Corps Enseignant, statua ainsi :
– Pour le prochain challenge, nous engagerons un nouveau rameur, mais par le biais d’un contrat d’Outsourcing afin d’éviter toute friction syndicale et d’esquiver tout contrat de travail et les charges sociales en découlant, éléments qui, sans aucun doute, ont jusque à dégradé l’efficacité et la productivité de nos ressources.
Il manque une suite à l’histoire : après l’échec du nouveau recrutement de rameur sous contrat d’outsourcing, l’équipe de l’ENA décida de lancer un nouveau modèle de rame en matériaux composites développés par le Plan National de Développement des Matériaux Composites (PNDMC). Ce nouveau modèle testé en laboratoires avait pour seul inconvénient de ne pas être compatible avec le bateau…