Comprendre les sols
Qu’est-ce qu’une terre ? A partir de quels éléments s’est-elle formée ? Quels sont les phénomènes biologiques dont elle est le siège ? Quelles conclusions peut-on en tirer au point de vue cultural ?
Nous allons brièvement résumer nos connaissances sur ces points, car nul ne peut cultiver intelligemment sans connaître à fond le sol qu’il cultive.
La surface de la terre était primitivement constituée par des roches plus ou moins dures. Les unes dites primitives, dont le type est le granit, étaient dues au refroidissement de l’écorce terrestre. Les autres, dites calcaires ou sédimentaires, résultaient du durcissement de dépôts marins, par la suite émergés.
L’action lente et continue des éléments modifia peu à peu les couches superficielles des roches. Puis la végétation s’y installa, poursuivant la transformation, abandonnant des débris qui s’accumulèrent en formant l’humus.
Outre les sols ainsi formés sur place, dont la composition est en rapport direct avec le sous-sol qui leur donné naissance, il convient de citer les sols dits d’alluvions déposés dans les vallées par les cours d’eau, lors des crues, et dont la composition est évidemment indépendante du sous-sol sur lequel ils reposent.
Sols formés sur les roches primitives
La formation d’un sol à partir du granit et des roches analogues s’observe facilement en Auvergne et en Bretagne.
Sur les parois d’une tranchée récemment ouverte, on observe :
1° En profondeur du granit intact qui montre le scintillement caractéristique des cristaux de quartz, mica, feldspath.
2° Au voisinage de la surface, un granit déjà un peu décomposé, rougeâtre, friable, qui tend à se décomposer en une infinité de petits morceaux comparables à du gravier.
3° Le sol lui-même où seuls les grains de quartz (sable) ont résisté à l’action des éléments, alors que le feldspath et le mica se sont presque entièrement transformés en argile. Les terrains résultant sont, par conséquent, des terrains silico-argileux, meubles, perméables, souvent exempts de cailloux, bien que de profondeur très variable. Leur teinte d’un blond un peu rosé, alliée au vert tendre des prairies et des champs, contribue à donner aux paysages de Bretagne leur charme reposant.
A l’origine, ces terrains sont riches en potasse, mais manquent de chaux et d’humus.
Améliorés par la culture, ils peuvent devenir extrêmement fertiles. La « ceinture dorée » de la Bretagne y produit toutes sortes de primeurs.
Les pentes granitiques des Cévennes qui descendent vers le Rhône sont peuplées d’incomparables vergers de pêchers.
Malgré la présence du granit dans le sous-sol, il est rare que l’on soit obligé de drainer parce que le granit est souvent fissuré et que les terrains sont presque toujours en forte déclivité.
Sols formés sur les roches sédimentaires
L’élément principal de ces roches est le carbonate de chaux ou calcaire. On dit aussi la chaux, bien qu’en réalité la chaux soit le résultat de la décomposition du carbonate de chaux dans les fours à chaux. Le carbonate de chaux est blanc. Les roches calcaires sont très sou- vent aussi de couleur blanche, mais elles peuvent être colorées en jaune ou en rouge par suite de la présence d’un oxyde de fer.
L’examen d’une tranchée récemment creusée montre que le sol qui recouvre les roches calcaires est souvent bien différent de la roche elle-même.
On a pu démontrer que les gouttes de pluie, lorsqu’elles arrivent en contact avec le sol dissolvent d’abord une petite quantité de carbonate de chaux, puis descendent par infiltration à travers le sous-sol. Après quelques milliers d’années, les pluies auront ainsi dissout plusieurs mètres de calcaire, laissant à la surface toutes les parties insolubles telles que silex, argile, etc… que les roches calcaires contiennent toujours en proportion notable. C’est ce résidu insoluble réuni à la surface qui constitue le sol. On conçoit qu’il puisse être très différent de la roche calcaire elle-même. Le sol peut même être totalement exempt de calcaire, ou encore acide.
La formation du sol au-dessus du calcaire est en somme comparable au rassemblement des impuretés à la surface d’un tas de neige en cours de fusion.
La qualité du sol dépend, par conséquent, de la nature des impuretés contenues dans la roche, et c’est ce qui explique la diversité des sols dans les régions calcaires.
Les sols d’origine calcaire s’étendent sur les trois quarts du territoire français, en y comprenant le Nord de la France, la région parisienne, l’Ouest et le Sud-Ouest, les Alpes, le Sud du Massif Central et une partie des Pyrénées.
Dans le Nord de la France, notamment en Picardie et dans une partie de la région parisienne, la roche calcaire est une craie blanche contenant des lits de silex. Elle contient suffisamment d’éléments fins pour donner naissance à un sol argilo-siliceux, meuble, assez profond parfois, et sans excès de cailloux.
Ce sont des terrains riches convenant parfaitement à la culture du blé et de la betterave. Le jardinage y est plus ou moins facile, suivant la légèreté du sol.
Les arbres fruitiers n’y viennent bien que si le calcaire n’est pas trop près de la surface, ce qui heureusement, est assez rare.
Dans l’Ouest, le sol résultant est souvent très chargé de cailloux de silex dits pierres à fusil, ce qui rend la culture difficile et peu rémunératrice..
Ailleurs, l’argile domine trop nettement et donne des terres dites « fortes », très collantes par temps de pluie, qu’il faut travailler au moment voulu, et qui ne permettent pas la culture intensive. On peut y créer des vergers de pommiers si l’humidité n’y séjourne pas trop. Les propriétés d’agrément y seront de préférence établies dans le style paysager. Sur certains coteaux de l’Ouest et au Sud du Massif Central, le calcaire est dur et imperméable. La pluie l’attaque très lentement et le sol qui pourrait en résulter est entraîné au fur et à mesure de sa formation par les eaux de ruissellement. On trouve alors des terrains calcaires, de couleur claire, difficiles à travailler et très secs en été. Les arbres meurent ou restent petits, donnant au paysage l’aspect caractéristique des Landes et des Causses.
L’amélioration de ces terrains est à peu près impossible. On y cultive généralement de la vigne, ou on en fait des pâturages maigres pour les moutons.
Certaines roches calcaires se sont imprégnées de silice et constituent ces pierres semblables à des éponges que l’on appelle des meulières.
Les terrains à meulière sont fréquents dans la région parisienne. Ils contiennent de nombreux cailloux qui sont des débris de meulière, mélangés à une argile compacte et rougeâtre. L’amélioration en est assez difficile. Si la profondeur du sol le permet, on peut exécuter un défoncement peu profond et en profiter pour retirer le plus possible de cailloux.
La correction d’acidité est parfois nécessaire.
Il existe des roches sédimentaires non calcaires: Telles sont les schistes ou pierres d’ardoises que l’on rencontre dans le Maine, l’Anjou, les Alpes et quelques autres régions.
Leur décomposition donne des terres argilo-siliceuses dépourvues de calcaire, parfois assez meubles et très fertiles.
Sols d’alluvions et de vallées
Les fleuves et rivières de France sont bien connus pour leurs belles et larges vallées, d’une fertilité extraordinaire.
Comment le sol de nos vallées a-t-il pu être nivelé d’une manière aussi parfaite ?
Tout simplement, parce que les eaux, travaillant depuis des milliers et des milliers d’années, ont elles-mêmes creusé les vallées, déplaçant continuellement les matériaux qu’elles détachent sur leurs parcours. Chaque année, à l’époque des crues, elles ont déposé sur les prairies qui les bordait une petite couche de limon. Le sol a été ainsi régularisé peu à peu, et, aujourd’hui, les parties devenues inaccessibles aux crues constituent des terrains de culture superbes.
Ce qui frappe tout d’abord quand on examine un tel terrain, c’est l’absence totale des cailloux, la facilité de travail, et l’homogénéité du sol. De plus, les sols des vallées sont généralement assez frais par suite du voisinage de la nappe aquifère dont le niveau dépend de celui du cours d’eau. Les puits sont peu profonds, ce qui est très important. Il faut même se méfier de l’excès d’humidité et se renseigner sur les risques d’inondation.
Les arbres fruitiers sont vigoureux en terrain frais, mais périssent du pourridié en terrain franchement humide.
Les sols d’alluvions sont plus ou moins riches, suivant les régions traversées par le cours d’eau qui les a formés.
Les terrains situés dans les vallées de la Seine et de la Loire sont silico-argileux, légers. Quelques points sont franchement argileux.
La Garonne a donné des terrains plus nettement argileux en moyenne. Le Rhône, la Marne et les rivières descendant des Alpes ont formé des terrains riches en calcaire, sur lesquels la chlorose est parfois à craindre. Par contre, les affluents descendant du Plateau Central ont donné des alluvions non calcaires (Ardèche, Eyrieux) favorables aux Pêchers.
Les terrains dont nous venons de parler sont à dominante minérale, argile et sable, et sont des terrains dits de transport.
Les terrains de vallées ont parfois une autre origine surtout pour les petits cours d’eau. Ils se sont formés sur place, par acoumulation des débris de plantes aquatiques et correspondent à l’emplacement d’anciens marécages. On observe alors les terrains dits humifères ou même tourbeux, noirs, poreux, portant une végétation souvent exubérante, mais limitée à certaines espèces. L’analyse révèle que ces terrains sont acides et la plupart des légumes n’y réussissent qu’après correction de l’acidité.
On peut alors en tirer un excellent parti, à la condition, bien entendu, qu’ils aient perdu leur nature marécageuse par un abaissement du niveau d’eau (Hortillonnages d’Amiens).
Outre les terrains décrits précédemment, on peut citer divers cas de terrains dus au transport de matériaux par le vent :
1° Les sables de Fontainebleau, dont l’origine est la même que celle des dunes qui bordent la mer. La mer, au cours des époques géologiques, s’est en effet étendue à diverses reprises sur toute l’Ile de France et y a séjourné très longtemps. Elle y a laissé les dépôts calcaires précédemment cités, ainsi que les sables de Fontainebleau qui couvrent des étendues considérables, non seulement à Fontaine-bleau, mais dans les régions d’Étampes, Versailles, Marly, Montmorency, etc…
L’agglomération de ce sable a donné le grès. Le sable de Fontainebleau est souvent très pur, de couleur jaune ou même parfaitement blanc. Il est évidemment peu fertile. Les forêts qui, autrefois, le recouvraient entièrement, y ont laissé une couche d’humus et le défrichement a donné des terrains meubles, secs, acides, pauvres en réserves.
Il leur faut une fumure très complète, comportant la chaux et le fumier comme amendement, la potasse et l’acide phosphorique comme engrais proprement dits.
Des soins persévérants peuvent donner à ces terrains une fertilité très convenable, mais il faut prévoir des arrosages fréquents.
2° Le limon des plateaux, qui recouvre certains points hauts de la Beauce et de la Brie, a pour origine un amoncellement de poussières calcaires qui, ultérieurement, évoluèrent comme les terrains sédimentaires en donnant un sol argilosiliceux, meuble, souvent très profond, fertile, mais parfois acide, et dont la grande culture tire, après chaulage, des rendements considérables.
Toutes les cultures horticoles y réussissent en situation abritée du vent et à condition que l’approvisionnement en eau ne pose pas un problème insoluble.
3° On peut encore citer les cendres volcaniques du Massif Central, qui donnent des terrains riches et fertiles.