Ronflements, apnées du sommeil : Quels conséquences sur la santé ?
Le ronflement, une maladie ?
Qui dans son entourage n’a pas subi les agressions bruyantes d’un ronfleur ou pire, constaté des arrêts de la respiration pendant le sommeil de son compagnon de nuit ? Outre l’aspect anecdotique et banal de ce symptôme, celui-ci peut masquer une autre pathologie beaucoup plus sérieuse, les apnées du sommeil.
Les conséquences de ces apnées et de ces ronflements suscitent de nombreuses études depuis la généralisation des enregistrements du sommeil, en hospitalisation ou maintenant à domicile.
Au-delà de 40 ans, 60% des hommes et 40% des femmes ronflent un peu, épisodiquement. Mais seulement 25% des hommes et 15% des femmes souffrent d’un ronflement important pathologique, ou ronchopathie. Par ailleurs, dans nos pays occidentaux, 4 % de la population présente un syndrome plus grave, celui d’Apnées du Sommeil ou SAS. Cette population compte 75% d’hommes.
L’apnée du sommeil
L’apnée, du grec « a-pnein » = sans respirer, est un arrêt respiratoire, volontaire ou non. Cet arrêt respiratoire est plus ou moins long. On parle d’apnée lorsque l’arrêt respiratoire dure au moins 10 secondes. L’importance des apnées se mesure par l’indice d’apnées (I.A.) qui est le nombre d’apnées durant une heure de sommeil.
Sans danger lorsqu’elle est volontaire et maîtrisée, comme lors de la plongée sous-marine, l’apnée involontaire survient principalement lors du sommeil, pratiquement toujours chez un ronfleur. Certaines apnées du sommeil peuvent durer jusqu’à 30 secondes. Quelques apnées isolées, banales et sans danger, n’entraînent pas de trouble particulier.
En revanche, lorsque ces apnées sont fréquentes, c’est à dire lorsqu’il se produit plus de 5 apnées durant une heure de sommeil, on parle de syndrome d’apnées du sommeil, ou S.A.S.
Ce syndrome est plus préoccupant. En effet, le retentissement du S.A.S et ses conséquences sur l’organisme sont souvent importants voire graves dans certains cas. Elles affectent en particulier le système cardio-circulatoire, la qualité du sommeil, et certains tissus nobles comme le cerveau. C’est la raison pour laquelle la prise en charge de cette pathologie, maintenant reconnue, est bien codifiée
Anatomie et physiologie du ronflement et des apnées
Lors de la respiration, l’air passe librement par le nez et la bouche, descend dans le pharynx, passe derrière la base de la langue pour rejoindre le larynx, cartilage (pomme d’Adam) contenant les cordes vocales. Le larynx est fixé en haut de la trachée. C’est l’entrée qui mène l’air à l’intérieur des poumons.
Au fond de la bouche, en arrière la langue, l’espace libre est relativement étroit. L’air doit passer entre la langue, le voile du palais, la luette et la paroi du pharynx. Lors du sommeil, les muscles sont relâchés, hypotoniques. Ils ont alors tendance à s’affaisser ce qui réduit encore le
passage. Des conformations anatomiques individuelles, et la forme de la mâchoire inférieure, conditionnent le passage de l’air. Lorsque le voile du palais est long et épais, celui-ci réduit l’espace libre.
Ces structures molles (paroi pharyngée, voile du palais, base de la langue) s’accolent l’une contre l’autre, et empêchent l’air de passer librement. Il se produit alors une vibration des tissus qui se traduit par le ronflement. Lorsque ce passage est trop réduit, la base de la langue crée un phénomène de soupape. Ce blocage empêche alors complètement l’air de pénétrer dans les poumons. Les efforts inspiratoires accentuent encore ce blocage, comme un bouchon placé à l’entrée de la trachée. C’est l’apnée obstructive.
Après quelques inspirations inefficaces, un phénomène réflexe stimulera le système nerveux central qui déclenchera un réveil partiel. Cette stimulation redonne un peu de tonus aux muscles pharyngés qui se contractent et libèrent le passage. L’air pénètre à nouveau dans les poumons lors d’une grande inspiration, ample et souvent bruyante. Ce phénomène a tendance à se reproduire régulièrement durant la nuit.
Conséquences sur le sommeil
Les apnées sont responsables de réveils partiels durant le sommeil. Ce sont les micro-éveils. Ces périodes très brèves de réveils ne sont pas nécessairement perçues par le dormeur. Elles ne provoquent pas de réveils conscients. C’est pourquoi le dormeur apnéïque a l’illusion de dormir normalement. Une personne qui présente 30 apnées par heure subira environ 30 micro-éveils à l’heure soit un toutes les deux minutes.
Ces micro-éveils perturbent les phases de sommeil profond réparateur. Ce déficit de sommeil profond entraîne une fatigue matinale caractéristique et une somnolence diurne fréquente.
Les différents types d’apnées
Si l’on excepte les obstructions accidentelles des voies aériennes supérieures, on considère deux sortes d’apnées :
• Les apnées par obstruction spontanée des voies aériennes supérieures, ou apnées obstructives.
• Les apnées par non-déclenchement des mouvements respiratoires par les centres nerveux, ou apnées centrales.
Les secondes sont rares et sont liées à des troubles cérébraux complexes dus à des atteintes neurologiques. Les apnées obstructives sont celles qui sont responsables de la quasi-totalité des syndromes d’apnées du sommeil. Elles sont dues à une cause mécanique, un obstacle anatomique pharyngé, empêchant l’air de passer.
Les facteurs favorisant
Plusieurs facteurs sont susceptibles de provoquer des apnées obstructives. La conformation anatomique du massif facial, en particulier la longueur de la mâchoire inférieure, détermine la place de la langue dans la bouche. Ainsi, on trouvera beaucoup plus de ronfleurs et d’apnéïques chez les personnes ayant une mâchoire inférieure courte et rentrée.
Un pharynx étroit, de grosses amygdales, une base langue volumineuse, peuvent réduire le passage de l’air. La surcharge pondérale est aussi un élément important. Le tissu graisseux, présent dans tous les organes, infiltre aussi la base de la langue.
On considère habituellement qu’un kilogramme de poids du corps correspond à environ un gramme dans la base de la langue. Toute surcharge pondérale aura donc pour conséquence une augmentation de la base de la langue, ce qui réduit le passage du flux aérien.
L’association entre S.A.S. et ronflement
La quasi-totalité des patients (95%) ayant des apnées obstructives sont des ronfleurs. On peut considérer que le ronflement est un stade précurseur des apnées obstructives. Un bilan spécifique sera donc systématiquement demandé chez les gros ronfleurs.
Les signes évocateurs d’apnées du sommeil
L’interrogatoire orientera souvent vers le diagnostic de ronchopathie simple ou de S.A.S. Habituellement, le sujet qui présente des apnées est fatigué. Il dort mal la nuit, et a tendance à s’endormir facilement dans la journée, parfois de façon incontrôlable. Le compagnon de nuit signale fréquemment des ronflements sonores et des pauses respiratoires, inquiétantes.
Le retentissement sur l’organisme
• Le déficit en sommeil
Les conséquences des apnées obstructives sont nombreuses. En perturbant le sommeil, les apnées induisent une fatigue matinale au réveil et une somnolence diurne. Cette somnolence est responsable d’une difficulté dans l’accomplissement des tâches normales du travail, physique ou intellectuel.
De nombreux assoupissements ou endormissements lors de la conduite automobile ou celle d’engins mécaniques leur sont imputés. Ces pertes de vigilance incontrôlables sont ainsi responsables d’accidents de la route ou du travail.
Lorsque les apnées sont fréquentes et importantes, comme dans le S.A.S. (plus de 5 apnées par heure), le taux d’oxygène moyen dans le sang baisse, le pouls augmente, la tension artérielle monte brutalement. Certains organes peuvent alors souffrir, particulièrement le cœur et les artères, mais aussi l’encéphale.
Les réveils successifs, brutaux et stressants, ainsi que le mauvais sommeil sont des facteurs favorisant la survenue d’une hypertension artérielle. Tout bilan positif d’une hypertension artérielle incite désormais à rechercher un S.A.S.
• Le retentissement sur la pression artérielle.
Des études récentes [1] confirment que le S.A.S. est responsable d’élévation de la tension artérielle. Une forte proportion des apnéïques présentent en effet une hypertension artérielle significative. Dans leur cas, cette hypertension est souvent variable et difficile à traiter. Lorsque l’on traite le S.A.S., l’hypertension se régularise, elle devient plus facile à corriger.
Des enregistrements précis montrent en effet que chaque apnée s’accompagne d’un pic d’hypertension, d’une libération d’adrénaline dans le sang, et souvent d’une baisse du taux d’oxygène sanguin. Ces poussées hypertensives sont rythmées par les apnées. Ainsi, un patient qui présente 30 apnées par heure subit environ 210 poussées d’hypertention dans une nuit, et cela durant des années.
• Le retentissement cardiaque
Sur un cœur prédisposé, l’hypoxie due aux apnées peut provoquer des troubles du rythme : tachyarythmies, extrasystoles, voire fibrillations auriculaires ou ventriculaires. Ces troubles peuvent avoir des conséquences dramatiques. Ainsi, sur des artères coronaires rétrécies, l’hypoxie peut entraîner une souffrance myocardique et un authentique infarctus. Certaines morts subites durant le sommeil sont probablement dues à de tels troubles.
S’il existe un état pathologique préexistant, en particulier des atteintes pulmonaires, une bronchite chronique ou une Broncho-Pneumopathie-Chronique-Obstructive ou B.P.C.O., l’hypoxie due aux apnées sera encore plus dangereuse et génératrice d’accidents aigus, graves, voire irréversibles.
Le dépistage
Le dépistage des apnées du sommeil et du ronflement se fait désormais facilement par un enregistrement durant une nuit. En France, ce sont en général les médecins spécialistes pneumologues qui effectuent ces enregistrements.
• La polygraphie
Ce test permet d’enregistrer plusieurs paramètres : Ronflements, oxygène sanguin, mouvements respiratoires, tonus musculaire et passage de l’air dans le larynx.
• La polysomnographie
Ce test enregistre aussi l’électroencéphalogramme. Il permet d’avoir un enregistrement des cycles du sommeil. Ces deux enregistrements permettent de quantifier les apnées et les ronflements. Ils sont indispensables pour effectuer un diagnostic précis. Les traitements des ronflements et des apnées.
Les traitements seront adaptés à l’importance des troubles.
• L’amaigrissement
Il sera toujours préconisé devant une surcharge pondérale. La réduction du volume de la base de langue et des tissus pharyngés améliorera
toujours le passage de l’air.
• La chirurgie
L’intervention chirurgicale la plus courante consiste à dégager le pharynx en sectionnant le bord du voile du palais et la luette. Lorsqu’elles sont présentes, les amygdales sont également enlevées. C’est la classique Uvulo-Pharyngo-Plastie ou UPP. Cette chirurgie est proposée pour le ronflement lorsque les apnées sont peu fréquentes (I.A. inférieur à 20/25) et n’entraînent pas de gêne fonctionnelle ou de retentissement importants.
Cet acte, douloureux, est efficace lorsque l’indication opératoire est bien posé, en particulier lorsque le rétrécissement pharyngé est important. L’intervention pratiquée sous anesthésie générale entraîne une indisponibilité d’une quinzaine de jour du fait de la douleur et de la difficulté d’alimentation.
La chirurgie du voile du palais (UPP) n’a pas démontré son efficacité dans le cas du S.A.S. Une chirurgie maxillo-faciale d’avancement mandibulaire peut aussi être envisagée. Elle est encore en cours d’évaluation pour les S.A.S. graves. Cependant, il s’agit toujours d’une chirurgie lourde avec des risques importants (section des deux maxillaires, trachéotomie, réanimation lourde) .
D’autres techniques de traitement du ronflement ont vu le jour ces dernières années comme le traitement par Laser qui permet de vaporiser seulement la luette et le voile du palais, laissant en place les amygdales. Cet acte qui s’effectue en plusieurs séances sous anesthésie locale est également douloureux. Il est moins efficace que la chirurgie classique.
Plus récente encore le traitement par radiofréquence consiste à cautériser et à durcir le voile du palais à l’aide d’une aiguille envoyant un faisceau localisé de micro-ondes. Moins agressif mais malgré tout douloureux, ce traitement n’a pas encore démontré une très grande efficacité, du moins à moyen ou long terme.
• La ventilation à pression positive
Une assistance respiratoire nocturne est envisagée lorsque les apnées sont fréquentes (I.A. supérieur à 20/25). Une petite machine électrique pousse l’air dans les poumons à l’aide d’un masque nasal.
C’est la Ventilation à Pression Positive continue, ou V.P.P. Ce masque est fixé sur le nez par une sangle. Il est relié à la machine par un tuyau souple et maintenu si possible durant toute la nuit.
Cette insufflation forcée lève le blocage à l’origine de l’apnée. Le sommeil se normalise alors. L’encombrement de la machine, le bruit de ventilation ainsi que l’impossibilité d’utilisation lors d’un rhume ou d’une bronchite en limitent l’usage. Par ailleurs, la pression du masque sur le nez est souvent la cause d’irritations ou de traumatismes difficiles à accepter à long terme.
Malgré ces contraintes importantes, il s’agit du système de référence, efficace, reconnu et pris en charge par la sécurité sociale. La machine demande la surveillance régulière par un technicien, en particulier pour garantir l’hygiène du système d’hydratation. Les coûts de location et d’entretien sont voisins de 1500 euros par an.
• Prothèse d’avancée mandibulaire
Il s’agit d’une double gouttière dentaire qui permet d’avancer la mâchoire inférieure pendant le sommeil. La langue est ainsi décollée de la paroi postérieure et libère le passage de l’air. Ce système est efficace mais présente des problèmes de tolérance à long terme, du fait de la déstabilisation de l’articulation temporo-mandibulaire. Cette prothèse est proposée en standard (90 euros).
La première mise en place nécessite un chauffage dans l’eau afin d’obtenir un ramollissement partiel de la matière plastique pour obtenir une bonne adaptation à la denture. D’autres modèles sont réalisés sur mesure par les dentistes ou les stomatologistes. Ils sont alors parfaitement adaptés, mais leur prix (800 euros) est beaucoup plus élevé. Il n’y a pas de prise en charge par la sécurité sociale pour ce type de prothèse.
• La Canule Souple Oropharyngée ou C.S.O.
« Capax »
Il s’agit d’un système simple, dérivé de la canule de Guedel utilisée en anesthésie, lors du réveil, pour éviter que le patient « n’avale pas sa langue ». Cette prothèse empêche le blocage du passage de l’air vers le larynx par la base de la langue. Elle est constituée d’un tube souple en silicone qui est placé dans la bouche.
Un filtre extérieur permet de débarrasser l’air des poussières et de l’humidifier. Un élastique tient le filtre et maintien le tube souple dans la bouche pendant le sommeil. L’air passe alors librement jusqu’au larynx, sans bruit et sans blocage.
Cette prothèse simple est efficace dans le ronflement et les apnées. Seule la tolérance, liée aux réflexes nauséeux possibles, peut poser problème.
Largement utilisée chez les ronfleurs, ce système est encore en évaluation pour le traitement des apnées. Cette prothèse (50 euros) n’est pas prise en charge par la sécurité sociale.
• Les autres solutions proposées
Les spray bucaux ou nasaux à base d’huile ou d’autres produits « naturels » ont surtout un effet psychologique et placebo. Leur large diffusion repose surtout sur des considérations marketing. Les bandelettes nasales ou écarteurs narinaires n’améliorent que l’entrée de l’air au niveau des narines mais ne traitent en aucun cas le ronflement.
Les oreillers anti-ronflements ou tout autre système de maintien en hyper extension peuvent avoir une certaine efficacité en améliorant le passage de l’air.
Les stimulateurs électriques de poignets ou autres appareils électroniques qui détectent les ronflements et réveillent le ronfleur contribuent à perturber, s’il en était encore besoin, le mauvais sommeil du ronfleur.
Des solutions mais pas encore de traitement miracle Les ronflements importants et les apnées du sommeil sont des symptômes qui doivent être pris en compte très sérieusement, du fait des conséquences possibles mais graves pour l’organisme.
Les risques significatifs concernent le cœur et le cerveau. On retiendra en particulier son incidence dans l’association avec une l’hypertension artérielle. Ces dernières années ont vu apparaître de nombreux laboratoires de recherche et de dépistage.
Cela a permis d’approfondir ces pathologies et de développer de thérapeutiques adaptées. Les solutions présentées permettent déjà d’améliorer le confort des ronfleurs et de traiter le syndrome d’apnées du sommeil. Le dialogue entre le spécialiste et le patient permettra de choisir la solution la mieux tolérée et la plus efficace.
Glossaire
Apnée : Arrêt respiratoire de plus de 10 secondes.
Indice d’apnées (I.A.) : Nombre d’apnées durant une heure de sommeil.
Larynx : Organe contenant les cordes vocales, situé à l’entré de la trachée.
Pharynx : Partie de la gorge où est située la base de la langue
Polygraphie : Examen permettant d’enregistrer les apnées et les ronflements durant le sommeil.
Polysomnographie : Examen polygraphique avec en plus un électroencéphalogramme.
Ventilation en Pression positive (V.P.P.):
Appareillage permettant d’insuffler l’air sous pression dans les poumons pour supprimer les apnées.
S.A.S. : Syndrome d’apnées du sommeil, soit un I.A. > 5