Les épreuves d’une tasse à thé
A méditer
Je me rappelle l’époque où, avant d’être une tasse, je n’étais qu’une boule d’argile.
Un jour, mon Maître s’empara de moi puis se mit à me frapper de ses mains, à me modeler.
Cela me faisait mal et je le suppliai d’arrêter mais il se contenta de me sourire en disant : « PAS ENCORE ! »
J’avais si mal au cœur que je croyais que ma fin était venue.
Heureusement, il finit par me sortir de là !
Puis il me plaça sur un tour de potier et me fit tourner, tourner…
Je ne comprenais pas pourquoi il voulait me faire passer par le feu.
Alors, je hurlai, je le suppliai d’arrêter, de me faire sortir.
A travers la porte vitrée, je distinguais encore son visage, et je le vis me sourire et hocher la tête, en disant : « PAS ENCORE ! »
Puis soudain, me saisissant, le Maître se mit à me poncer et à me brosser.
Il prit un pinceau et me badigeonna de toutes sortes de couleurs.
Les vapeurs étaient si fortes que je cru m’évanouir.
Je l’implorai d’arrêter, mais avec le même sourire, il me dit à nouveau : « PAS ENCORE ! »
C’est alors qu’il me plaça dans un autre four, deux fois plus chaud que le premier.
Cette fois, j’allais suffoquer, j’en étais sure.
En larmes, je le suppliai, mais, une fois de plus, il se contenta de me sourire en disant : « PAS ENCORE ! »
À ce moment-là, la porte s’ouvrit toute grande et le Maître annonça : « MAINTENANT ! »
Il me prit sans ses mains et me déposa sur une étagère.
Ensuite, il me tendit un miroir en me disant de me regarder.
Je n’en croyais pas mes yeux.
Je m’écriai : « Oh, quelle magnifique tasse ! »
Alors le Maître expliqua : « Je voudrais que tu comprennes :
Oui, quand je te frappais et que je te modelais, je savais que cela te faisait mal. Je savais que le tour te donnait des vertiges.
… Mais si je ne m’étais pas occupé de toi, tu te serais desséchée, et tu serais restée à tout jamais une simple boule d’argile.
Ta personnalité n’aurait pas pu s’épanouir.
Je savais que le premier four était brûlant… mais si je ne t’y avais pas mise, tu te serais effritée.
Je savais que tu étais incommodée par le ponçage et la peinture… mais si je t’avais épargnée, ta vie serait restée sans couleurs.
Et le second four, oh ! Je savais bien qu’il te serait presque insupportable !
… Mais vois-tu, si je ne t’y avais pas placée, tu n’aurais pas été capable de résister aux pressions de la vie.
Ta force n’aurait pas suffi, et tu n’aurais pas survécu longtemps.
Tu vois, alors même que tout te semblait si difficile… je prenais soin de toi. Je savais ce que tu allais devenir.
Dès le premier instant, j’entrevoyais déjà le produit fini ! »